Les épreuves du baccalauréat 2024 ont mis en lumière plusieurs femmes de lettres et philosophes. Une belle avancée alors qu’elles étaient encore rares dans les programmes il y a quelques années.
Mardi 18 juin, les élèves de terminale ont passé l’épreuve de philosophie du baccalauréat. Parmi les trois sujets proposés à la filière générale, figurait un commentaire de texte sur un extrait de La Condition ouvrière (1951) de la philosophe Simone Weil. Quelques jours plus tôt, les élèves de premières étaient confrontés soit à un texte de la poétesse Claire de Duras, un extrait de son ouvrage Édouard (1825), soit à trois sujets de dissertation, dont un portant sur le livre Mes forêts d’Hélène Dorion (2021).
Une légère amélioration
Pourquoi s’étonner de la mixité des auteurs et des autrices mis en avant dans les épreuves du baccalauréat de cette année ? Parce que cela ne fut pas toujours le cas. Jusqu’à très récemment encore, les femmes étaient minoritaires, voire absentes, de ces corpus. En 2003, une seule femme – Hannah Arendt – figurait dans la liste des philosophes étudiés en terminale. Isolée dans cette liste 100% masculine, la philosophe allemande a depuis été rejointe par cinq autres penseuses : Simone de Beauvoir, Simone Weil, Jeanne Hersch, Elizabeth Anscombe et Iris Murdoch. C’est en 2021, suite à la réforme du bac, que la liste des philosophes au programme s’est féminisée. Mais cette augmentation est à nuancer puisque l’on compte 83 philosophes au programme. 6 femmes sur 83, le déséquilibre persiste.
Pour la classe de français, même constat. Lors de l’épreuve écrite de 2024, les élèves ont pu découvrir un texte de Claire de Duras, poétesse française du XIXème siècle. Mais la discipline laisse encore trop peu de place aux femmes de lettres dans son programme. Cette année, seulement trois y figurent : Olympe de Gouges et sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), Colette pour Sido (1930) suivi de Les Vrilles de la vigne (1908) et l’écrivaine contemporaine Hélène Dorion et son livre Mes forêts (2021). Mais trois c’est déjà mieux que zéro, comme ce fut le cas en 2016. Cette année-là, aucun texte écrit par une femme n’est présenté parmi les sujets de l’épreuve de littérature au baccalauréat. Le comble pour l’ex-filière L, spécialisée dans l’étude des grandes plumes de l’Histoire.
Les appels pour un effort de parité dans les programmes se multiplient
La féminisation des programmes ne s’est pas faite toute seule. Depuis des années, des militantes féministes et des enseignantes réclament davantage de femmes de lettres et de philosophes femmes dans les programmes. En 2016, suite à l’absence totale d’autrices du corpus de l’épreuve de littérature, Françoise Cahen, agrégée et docteure en lettres modernes et enseignante au lycée Maximilien-Perret d’Alfortville, lance une pétition. Elle récolte près de vingt mille signatures et obtient même le soutien la ministre de l’éducation nationale de l’époque, Najat Vallaud-Belkacem. En 2018, une nouvelle tribune, parue dans Libération et signée par une soixantaine d’enseignantes et de chercheuses, dénonce l’invisibilisation des femmes philosophes. « Les travaux de philosophEs sont moins lus, moins cités, moins débattus », alors même que « dans l’histoire, il y en a bien des centaines : elles ne sont pas «mineures» mais minorisées. », déplorent-elles, avant de revendiquer à l’unisson : « Il n’est pas question de féminiser la philosophie mais bien plutôt de la démasculiniser ! ».
Huit ans après sa pétition, quelques noms suggérés par Françoise Cahen figurent désormais au programme et font leur entrée dans les nouveaux manuels scolaires. Mais ne crions pas victoire trop vite. Les femmes de lettres restent largement minoritaires dans les programmes, alors même que la littérature et la philosophie regorgent de textes brillants écrits par des femmes, et ce, à toutes les époques. Si les programmes sont à la traîne, Françoise Cahen appelle, depuis plusieurs années déjà, à prendre les devants : « C’est à l’enseignant d’avoir l’ouverture d’esprit de sortir des classiques très conventionnels mentionnés au programme, interpelle-t-elle dans une interview accordée au Monde en 2022, avant d’ajouter : Nous sommes plusieurs collègues déjà à avoir conseillé dans ces lectures La Petite Dernière de Fatima Daas, Nous sommes tous des féministes de Chimamanda Ngozi Adichie ou encore Moi, Tituba sorcière de Maryse Condé ».
S’il fallait donner une mention aux programmes de l’année 2024 : encourageant, mais peut mieux faire !
Lire aussi dans Les Nouvelles News
UNE POÉTESSE AU BAC FRANÇAIS ? CANDIDAT.E.S DÉROUTÉS
JE LA LIS, TU LA VOIS, ELLES L’IMITENT
BAC L : 100 % DES TEXTES ÉCRITS PAR DES FEMMES (2018)